Sound of snow and ice

Snow and Ice blog

La plus belle façon de conserver une trace physique, aussi éphémère ou menacée fût-elle, est sûrement de la graver, comme une sorte d’archéologie glaciaire avant la lettre.

La neige considérée sous l’angle humain, comme expérience ancestrale surprenante, mais aussi comme paradigme de la lutte qui les oppose [La glace nous presse et s’amoncelle autour de nous en murailles menaçantes, aussi hautes que notre mâture. Elle fait un bruit d’enfer, certes, elle cherche bien à réduire le Fram en miettes. Et il ne se passe rien (…). Ni les chocs, ni les détonations de la banquise n’arrêtent les conversations et les rires dans le carré :: journal de l’explorateur norvégien Nansen], frontière immatérielle à conquérir, entrave à ses activités. Élément éphémère par excellence,état modifié vécu comme un obstacle, une barrière hostile.

Stase fixative aussi, qui appelle au silence, ce moment concret où le quotidien sonore se transmute en matière musicale, comme une chape de plomb insaisissable [Nous entendions de temps à autre le rugissement des avalanches et, pour les plus violentes d’entre elles, nous regardions autour de nous comme si nous nous attendions à voir la déferlante de neige traverser l’épais barrage formé par les arbres :: indian creek, Pete Fromm], un linceul mouvant qui impose la suspension, inaudible un instant, traversé de grincements et crissements dans la foulée, l’air saturé du bruit des cristaux coupants sur le cryosol [Le sol blanc crissait de neuf sous sa croûte gelée; la nuit se retirait de la forêt sans un souffle de vent, comme bue par la neige; (…) les filaments de glace regelés déjà au bord des gouttières emplissaient les ruelles de silence :: un balcon en forêt, Julien Gracq]. Ce poids du flocon, qui rend pierres et écorces gélives [En m’approchant j’ai pu entendre les cristaux de glace en craquer à mesure que le sang s’écoulait. La chose m’a fait penser aux ruisseaux d’eau douce qui annoncent le dégel. Ce bruit avait aussi un son grêle, cristallin :: Scène de chasse en blanc, Mats Wägeus], au bruissement comparable à la bûche consumée [Le givre est duveteux, la neige crisse sous les pieds :: Le Cheval blême, Boris Savinkov], rendant similaire les contraires, comme la « neige » léopardant la mire de l’écran terminal, déroutant notre ouïe [Avec le soleil dans ses paupières éblouies, la neige se transforme en bris de verre :: Le poids du papillon, Erri De Luca].

Le jeu également, bien sûr. Ce plaisir de l’enfance à s’immerger dans ce continent immaculé, aux perspectives bouleversées [Dehors, le ciel de cristal était constellé d’étoiles. Il faisait près de vingt degrés en dessous de zéro. Dans la cour brillait une lanterne sculptée dans la neige par Remes. Au firmament se déployaient les flammes d’une aurore boréale :: La forêt des renards pendus, Arto Paasilinna], cartographiant les zones du froid, du Japon à l’Amérique et l’Europe via ses nervures alpine et scandinave. Au final, puisqu’il était question de ces traces fugaces, nul écho ici d’un quelconque wendigo ou sasquatch, plutôt un sentiment d’environnement quiet et serein. Pur.
A l’origine.

Various artists Sound of snow and ice (Gruenrekorder, free mp3, 2007) http://www.gruenrekorder.de
Trente musiciens, utilisant magnétophones, capteurs et traitements divers (d’hiver ?)